A cause de cette série de Princesses bizarres, le Prince décida d’annuler le reste du défilé, en disant qu’il serait plus efficace lui-même.

      Il remonta dans sa chambre, un peu déçu tout de même car il aurait bien voulu trouver l’âme sœur. Il s’accouda à la fenêtre et soupira. Il leva les yeux vers la lune, en croissant. Elle éclairait le ciel comme un sourire bienveillant.

      Le Prince avait un secret : il était secrètement amoureux de la Lune. Sa beauté argentée l’émouvait jusqu’au plus profond de son âme. C’est elle qu’il aurait bien voulu épouser. Mais c’était impossible de se marier avec un astre ! Jusqu’ici, il avait essayé de réprimer cette passion qui le prenait chaque fois qu’il posait ses yeux sur la Lune. Mais aujourd’hui, avec toutes ces histoires de mariage, le Prince ne parvint pas à l’oublier. Il ne put dormir de la nuit. L’image de la Lune se mit à l’obséder et il en perdit l’appétit. Le jour lui devint insupportable car il ne pouvait la contempler. Ses Conseillers s’inquiétèrent bientôt de son état.

     -Je suis amoureux, finit par leur confier le Prince un matin, durant le petit-déjeuner.

     -Mais c’est une bonne nouvelle ! s’exclamèrent-ils en chœur.

     -Non, car celle que j’aime est inaccessible ! gémit le Prince en tirant sur son pyjama.

     -Allons, allons, c’est parce que vous êtes amoureux que vous dites ça. Et qui pourrait vous résister ? Nous savons que vous n’êtes pas du genre à demander la lune.

     -Si, justement ! s’écria le Prince au comble du désespoir.

      Les Conseillers se jetèrent un regard perplexe.

     -Cela risque d’être un peu compliqué de la demander en mariage, en effet, dit le Conseiller Vert.

     -Mais je l’aime, je ne pourrai jamais vivre sans elle ! s’exclama le Prince.

     -J’ai peut-être une solution. Une sorcière habite dans le bois voisin. C’est la Sorcière des Bois Noirs. Elle pourrait sans doute vous aider, dit le Conseiller Bleu en lui tapotant gentiment l’épaule.

     -Une sorcière ? rétorqua le Conseiller Rouge avec un reniflement dédaigneux. Ce ne sont que des charlatans, ces gens-là ! Rien à voir avec la science ! Faites-moi confiance et laissez-moi quelques années. Je vous trouverai un moyen.

     -Je ne pourrai pas attendre, déclara le prince.

      Il se leva et ceignit royalement son épée.

     -Comment se fait-il que vous soyez habillé alors que vous étiez en pyjama dix lignes plus tôt ? s’enquit l’un des Conseillers.

     -C’est pour ne pas amortir le rythme du conte, lui expliqua le Prince en boutonnant une cape sortie de nulle part.

     Il enfourcha son cheval.

     -Prince, un cheval n’a rien à faire dans une salle à manger ! le réprimanda le Conseiller Bleu.

      Le cheval piqua une tartine à la confiture en guise de réponse, et quitta aussitôt château avec le Prince sur le dos. Ils s’arrêtèrent quelques minutes plus tard.

    -Zut, je ne sais pas où elle se trouve, moi, cette forêt ! s’aperçut le Prince.

    C’est là que ses yeux croisèrent une flèche plantée dans le sol. Il était certain qu’elle n’y était pas une seconde plutôt. Cent mètres plus loin, il en vit une autre qui indiquait la même direction.

    -Les administrateurs assurent, dit le Prince à mi-voix, et il suivit les flèches.